samedi 29 mai 2010

Lorsque les souvenirs sont trop bons...

« Voilà l’été, j’aperçois le soleil… » J’ai souvent en tête ce refrain chanté par Helno, leader des Negresses vertes. On pensait tous qu’il était "seulement" alcoolique. Mais le 22 janvier 1993, il meurt d’une overdose. Il partira comme, Gary Coleman (Arnold, d’Arnold et Willy) et non comme Gainsbourg alors qu’on aurait tous parié sur le Ricard.

Un jour en soirée, le très sympathique Manu Dibango nous expliquait doctement la chose suivante : « tu vois, à chaque saison, tu as une énergie différente. Il y a la pèche que tu as en hiver, qui est différente de celle du printemps, différente de celle de l’été, etc. » Et j’ai toujours trouvé que le sâge saxophoniste avait raison.
Pour les alcooliques, c’est pareil. Jusque dans leur rapport à l’alcool. En tous les cas, en ce qui me concerne, mes envies, si elles sont les mêmes en quantités, varient qualitativement selon la saison. En été, ce sont d’autres sensations qui reviennent.

Par exemple, lorsque je sort du bureau en été, tout reste accueillant. Alors même que l’hiver, l’envie d’aller bien au chaud, chez soi ou avec des amis, devient une urgence, en été, après le travail : tout reste open. Et là, de contempler ces terrasses en rêvant d’une bière fraiche, d’appeler quelques amis, sentir le parfum des femmes qui après une journée un peu chaude, exhalent toute leur coquetterie. L’été, c’est aussi la saison des cuites qui commencent à l’apéritif, et qui sont interrompues par un bon diner léger : une salade, une pizza, en terrasse, avec des rires et des amis.
Pour moi, l’alcool en été, c’est aussi :

  • La promesse, un jour, avec mes deux futurs associés de créer la société qui nous nourrit encore
  • Une valse improvisée sous la tour Eiffel scintillante avec une petite amie d’alors, sous le regard bienveillant de la Police
  • Mes premières amours estivales
  • La contemplation d'une dizaine de manequins de l'agence Elite un soir au Jimmie's à Monaco
  • Regarder le soleil se coucher sur le désert qui entoure Vegas
  • La promesse (complètement aviné ce jour là), d'intégrer la grande école de mes rèves (je m'acquiterrai par la suite de cette promesse)
  • La rencontre décisive avec ma femme, un soir de juin

Alors difficile pour moi de détester mes cuites estivales…
C'est pourquoi en été, le défi ne va pas consister à ce dire que tout ça c’est désagréable. Ce serait se mentir à soi même. J’ai tellement de bons souvenirs de cuites estivales. De plus, paradoxallement :
  • ces cuites estivales sont souvent associées à des éléments déterminants et positifs de ma vie. Plus paradoxalement encore, elles m'ont rapprochées d'une vie de père de famille et de professionel à responsabilité.
  • et donc de fait... m'ont éloignées d'une vie à la Helno ou Coleman... De toute les manières, je n'avais pas leur talent. Et si ça avait été le cas, aurais-je eu le courage de devenir saltimbanque... ?

Alors parfois, je me demande tout de même si l'alcool, c'est un peu le reste de liberté que je veux conserver ? Un peu de bohème sans les affres de la création ?
Mais il est clair que ce qui rend beaucoup plus démarche qui consiste à arrêter, l'été notamment, c'est que l'alcool a souvent été à l'origine, ou présent dans des moments clés et déterminants, positifs et constructifs de ma vie.
A la limite, en hiver, ce serait plus facile. Mon alcool en hiver est moins agréable à vivre... Enfermé dans une odeur de cigarette, plus fatigué, au coeur de l'année professionnelle et de ses contraintes, etc. L'hiver, ce fut aussi les sales moments de bagarres alors que j'étais complètement cuit. L'hiver aussi, ce fut en général le moment, ou là, la Police n'a pas eu, à raison, ce regard bienveillant comme sous la tour Eiffel (cf. supra) lorsque je commençais à mettre un foin pas possible avec mes compagnons improvisés de beuverie.
Mais en ce moment, c'est l'été, c'est comme ça. Et je crois qu'il serait dangereux d'attendre l'hiver pour arrêter. Adolescent, je me demandais si ma vie allait ressembler à une bodega, ou à la famille de Boule et Bill. Les deux m'attiraient. Et si je n'avais pas été alcoolique, j'aurai pu vivre un peu des deux. Mais étant père de famille, ce sera Boule et Bill. Et nonobstant la nostalgie de la Dolce Vita. Plus le choix désormais.

Et comme disait Jean-Claude Killy avant sa médaille d’or en 1968 aux JO d’hiver de Grenoble : "c’est la victoire ou l’hopital". Alors à la limite, ais-je vraiment le choix ?
En tout les cas, je n'ai rien bu aujourd'hui. En principe, demain ça ira puisque les devoirs de la paternité font qu'une journée avec les enfants m'empèche de fait de boire. Le danger, ce sera lundi.

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1 commentaire:

  1. Avec le temps, de nouveaux souvenirs naitront, et ils auront de nouvelles couleurs, de nouvelles saveurs, plus intenses car non diluées dans l'alcool...
    Un nouveau monde a découvrir.
    Vous allez adorer, même si la route pour y parvenir n'est pas la plus douce pour l'instant.

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